Dancing in Jaffa

À partir de 9 ans

en vod

La danse peut-elle changer le monde ? Elle peut en tout cas y contribuer, si l’on en croit le film Dancing in Jaffa.

Lorsque deux êtres humains dansent ensemble, il se passe quelque chose. On apprend à découvrir l’autre d’une façon impossible à décrire. » C’est en vertu de ce postulat que Pierre Dulaine, champion du monde de danse de salon, mène ses « dancing classrooms » — un programme d’apprentissage destiné aux 8-14 ans – dont le film Dance With Me (avec Antonio Banderas dans le rôle de Dulaine) retrace l’aventure.

En plus de vingt ans, Dulaine a œuvré dans des quartiers difficiles du monde entier. Si l’étape à Jaffa lui tient particulièrement à cœur, c’est qu’il y est né, en 1944, d’une mère palestinienne et d’un père irlandais, et qu’il n’y est jamais retourné depuis que la création d’Israël, en 1948, a entraîné l’expulsion de sa famille. Cela, il le raconte dans Dancing in Jaffa, sans animosité. Convaincu que la danse peut aider, « il faut apprendre à vivre ensemble », explique-t-il à un chauffeur de taxi. Faire danser ensemble enfants palestiniens et israéliens, c’est le rêve de sa vie.

Obstiné et généreux, le danseur a réussi à convaincre cinq écoles : deux sont israéliennes, deux arabes et une mixte. Au bout de dix semaines, semées de découragement mais aussi d’espoir, 84 enfants sont sélectionnés pour la compétition finale. Ce que l’on remarque avant tout, c’est l’extraordinaire effet de la danse sur le développement des enfants : on le voit à travers l’exemple de Noor, fillette mal dans sa peau et en difficulté relationnelle avec les autres, dont on suit la métamorphose. Comme elle, les enfants doivent surmonter de nombreux obstacles. Se toucher entre filles et garçons est inenvisageable, surtout pour les musulmans.

On perçoit aussi des différences sociales, même si le niveau de vie général est assez pauvre. Pierre Dulaine a beau dire aux enfants : « Ici on n’est ni juif ni arabe, on est des êtres humains », on voit que juifs et arabes ne se fréquentent pas du tout. Mlle Rachel, enseignante dans l’une des rares écoles mixtes, s’évertue à rapprocher les communautés, mais sa démarche tient du militantisme, comme celle de Pierre Dulaine. On veut y croire avec lui, mais les amitiés nouées semblent bien fragiles, telle une goutte d’eau dans cette mer qui borde Jaffa.

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Dancing in Jaffa

A partir de 9 ans

De Hilla Medalia

Disponible sur MyCanal

INTERVIEW DE PIERRE DULAINE
Champion du monde de danse de salon, Pierre Dulaine est surtout champion de la cause des enfants, convaincu des vertus positives de la danse sur l’éducation citoyenne.
 
Quel est le point de départ du film ?
Pierre Dulaine : J’avais ce rêve depuis très longtemps. A la sortie du film Un… deux… trois, dansez, sur des ateliers à New York, une amie m’a proposé de faire la même chose en Israël. J’ai accepté à condition de faire danser des enfants israéliens et palestiniens. J’ai 70 ans, avant de partir définitivement en retraite, je voulais faire ça pour les enfants de Jaffa. On a démarré le projet en décembre 2010, juste avant Noël, c’était mon cadeau pour ces enfants.
 

On vous voit souvent en colère dans le film. C’était si difficile ?
P. D. : Ça a été le projet le plus difficile à mettre en œuvre, mais au bout du compte le plus satisfaisant. Ce que je ne pouvais absolument pas faire, c’était laisser tomber. Ça aurait été comme un abandon, chose impossible pour un enfant. Un changement s’est opéré avec la venue de miss Yvonne, ma partenaire, quand ils m’ont vu danser avec elle. Le fait que je parle arabe avec un accent palestinien, que je sois connu et que je vienne des Etats-Unis, tout cela a joué.

Les enfants de Jaffa ont-ils déjà de vraies barrières dans leur tête ?
P. D. : Palestiniens et Israéliens vivent de façon très séparée. Les enfants grandissent là-dedans, ils entendent les adultes, leur environnement est déterminant. Mais je crois profondément que si on sème des pensées positives dans l’esprit des enfants, si on nourrit leur imagination [Pierre Dulaine fait le geste d’arroser une plante] — alors on peut changer le monde. Les enfants du film sont devenus amis pendant le tournage, ils le sont encore. Mais que va-t-il se passer quand ils iront à l’armée ? Un jour peut-être, pendant son service militaire, Lois se retrouvera à un checkpoint, face à Alaa, que se passera-t-il alors ? J’espère qu’ils vont danser ! La danse, dès lors que les partenaires se touchent, a des effets magiques. Je voudrais qu’il y ait des « dancing classrooms » dans chaque école, dans le monde entier. Mais, je crois, comme miss Rachel, qu’être un bon danseur ne suffit pas, il faut d’abord être quelqu’un de bien.