Antigone

À partir de 14 ans

dvd

Que nous raconte aujourd’hui l’héroïne de Sophocle, à l’heure des réseaux sociaux (et avec l’accent québecois) ?

Rebelle, libre, diaphane et déterminée, il n’y a pas à dire, la jeune adolescente du film de Sophie Deraspe a la trempe de l’héroïne de Sophocle. Son regard nous happe dès les premières images et l’on craint jusqu’au bout qu’elle finisse comme son modèle antique. Cette transposition dans le Québec contemporain emportera à coup sûr l’adhésion du public adolescent pour cette tragédie qu’ils ont presque tous étudié au collège.

Oui, cette Antigone a tout d’une icône et il est logique que son image, fabriquée par Hémon, son amoureux fasciné, devienne virale sur les réseaux sociaux. Cette fabrique d’un symbole, sa nécessité dans un monde contemporain déboussolé, et sa duplication, comme une traînée de poudre, sur les écrans de jeunes du monde entier est sans doute l’un des éléments les plus intéressants du film. Là où la transposition opère de la manière la plus pertinente en renvoyant à une forme de chœur antique.

Passons sur les libertés prise avec l’adaptation (Etéocle et Polynice ne se déchirent pas, le père d’Hémon n’est pas le terrible Créon…) qui affaiblissent parfois le scénario pour nous concentrer, tout comme la réalisatrice québecoise, sur le personnage principal. Celle-ci a trouvé en Nahema Ricci sa parfaite interprète et ne se lasse pas de filmer en gros plan, dans des lumières magnifiques, la beauté de son visage et les émotions qui y passent, mais ne s’embarrasse pas vraiment des autres personnages. Si au passage, elle esquisse une situation sociale moins tolérante que ce qu’on imagine du Québec, sur l’immigration notamment, elle ne s’attarde pas non plus sur le sujet.

Des grand yeux étonnés et francs, un regard qui ne se détourne jamais et une ténacité à toute épreuve … Ce que montre Sophie Deraspe, c’est l’ambivalence du personnage : la force de ses convictions mais aussi son intégrisme, la vanité de son sacrifice pour un idéal de malheur qui vampirise sa jeunesse, finit par l’isoler en balayant tout le reste. De l’innocence à la folie, à chacun de placer le curseur.

Maïa Bouteillet

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Antigone

De Sophie Deraspe