Esquif (à fleur d’eau)

Esquif (à fleur d’eau), dont le sujet central porte sur les migrants disparus en mer et sur les opérations de sauvetage, est le premier spectacle jeune public (à partir de 8 ans) d’Anaïs Allais Benbouali qui signe un texte et une mise en scène d’une grande sensibilité, créé dans le cadre du festival Odyssées-en-Yvelines. C’est un spectacle remarquable car la jeune femme, qui a travaillé sur la base de témoignages récents de rescapés et de sauveteurs de SOS Méditerranée, et s’est beaucoup documentée, réussit à tirer de la poésie et de beauté d’un sujet particulièrement difficile sans pour autant l’esquiver.

Comment s’y prend-t-elle pour en parler aux enfants sans les désespérer complètement ? En déplaçant l’histoire sur le terrain du conte et en imaginant incarner un magnifique personnage « non humain » mais non moins mythique, celui d’une mer Méditerranée dont la colère déborde et qui prend la parole. « Ils me font passer pour un monstre avaleur de vies alors que ce n’est pas moi qui tue, ce sont les murs et les frontières que certains adultes de votre espèce ont inventés ».

Elle ne mâche pas ses mots mais nous invite aussi à l’empathie en fermant les yeux pour mieux entendre la voix de celles et ceux qui gisent au fond de l’eau. Le sujet est très dur mais la façon dont il est amené permet de l’entendre. Le choix des mots, les quelques éléments de décor, le préambule, la musique, le rythme… tout est très progressif et fait en conscience pour le transmettre aux enfants et pour rappeler que, derrière les chiffres, il s’agit de personnes et de vies perdues. Mais le biais du conte permet aussi de dépasser la sidération face au drame, de réfléchir, de découvrir les missions de sauvetage et de reprendre espoir.

C’est la comédienne Anissa Kaki qui offre sa belle et calme présence à ce personnage qui a tout de maternel et de consolateur. L’autre personnage (Amandine Dolé), à la fois conteuse, musicienne et personnage, a son importance. Engagé jusque dans les moindres détails, ce spectacle qui s’accompagne aussi de sensibilisation dans les classes (et prend en compte le fait que des spectateurs pourraient être touchés de près par le sujet) et d’un échange après la représentation, s’appuie sur un dispositif scénographique léger, une bâche plastique pour figurer les flots, quelques objets simples, un peu d’eau. Et des mots bien choisis.

Maïa Bouteillet

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Esquif (à fleur d’eau)

À partir de 8 ans

Jusqu’au 23 mars

Dans le cadre du Festival Odyssées-en-Yvelines

© Christophe Raynaud de Lage