La Chambre d’eaux
Une fille c’est quoi ? Un conte féministe dansé et signé avec une belle énergie.
Une baignoire trône au centre de la scène, en grande proximité avec le public. C’est l’espace du souvenir où notre personnage se love pour retrouver son centre et ses sensations du monde d’avant, ce monde rond, liquide et étroit où enfant et mère existent en symbiose. Ce monde d’avant la séparation, d’avant la démarcation fille garçon, d’avant cette identité qui réduit et lui somme de se tenir comme il faut, d’être sage et gentille, de ne pas couper la parole… « Personne n’a envie d’une petite fille qui fait son intéressante », lui dit sa mère.
Dans cette baignoire, cette « chambre d’eaux », Sacha trouve un abri pour penser son corps, pour questionner ce qu’elle a entre les jambes, que personne ne nomme et qu’on lui dit de ne pas toucher… « parce que ça ne se fait pas ». Très rares sont les spectacles pour enfants qui s’aventurent sur ces territoires intimes avec autant d’engagement et de poésie.
Quoi de mieux que la danse pour exprimer la colère qui remue tout à l’intérieur et son désir de se construire librement ? Une danse énergique et forte que Marie Barbottin, la chorégraphe et danseuse qui porte ce projet, associe à un geste plastique émancipé qui macule la scène comme l’enfant s’exprime par le dessin.
A ses côtés, le danseur Yan Giraldou traduit l’histoire en langue des signes française et offre un délicat contrepoint dansé : il est le frère, l’ami, l’autre personnage de ce conte moderne qui déplie le geste d’une petite fille née le point en avant et bien décidée à ne pas le baisser.
Sollicitée pour prêter sa plume, Catherine Verlaguet a trouvé les bons mots pour composer un texte sensible et politique à la fois, adressé aux enfants comme aux grands. « Fille, c’est trop difficile », est son titre original et il est à méditer bien au-delà du 8 mars.
Sur la scène aussi, Nicolas Martz accompagne en direct de sa présence musicale. Au générique encore, Hortense Belhôte, performeuse qui travaille notamment à sortir les artistes femmes du trou noir où l’Histoire de l’art les a précipitées, offre ici une belle et grave voix off, et Estelle Savasta venue donner un coup de main à la mise en scène…
Beaucoup de bonnes fées ont présidé à la réussite de ce projet. C’est une magnifique occasion d’entreprendre bien des discussions en famille.
Maïa Bouteillet
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La Chambre d’eaux
A partir de 6 ans
Du 2 au 6 mai au Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt
Théâtre de la Ville
1 Avenue Gabriel
75008 Paris