Les gros patinent bien
Un spectacle hilarant à voir en famille qui vient de remporter le Molière du théâtre public.
C’est une histoire parfaitement loufoque. Et un numéro d’acteurs tout à fait épatant ! Olivier Martin-Salvan et Pierre Guillois, les deux créateurs, appellent ça un cabaret de carton. On peut penser à Laurel et Hardy ou à tout autre duo de comiques fonctionnant par paire et par contraire.
Vêtu d’un costume genre prince de Galles et vissé à son siège face public, le gros narre son aventure dans une tambouille d’english vraiment incompréhensible, mais très éloquente, tandis que le mince (ou maigre selon l’acteur qui endosse le rôle), affublé d’un simple maillot et bonnet de bain noirs, pourvoit à tout : décor, personnages, situations, moyens de transports … Il court en tous sens pour attraper des cartons entassés sur le bord, sur lesquels figurent en gros, au marqueur noir, des noms ou des mots qui font avancer le récit. Il s’agite aussi pour revêtir des accessoires — en carton toujours — ou bricoler un personnage. Il suffit d’écrire FJORD sur un bout de carton, ou SAPIN, pour que ça existe, comme dans les jeux d’enfants… ou comme dans les manifs. Matériau pauvre et très malléable, le carton est aussi plié, scotché, utilisé recto verso, avec des rabats à n’en plus finir.
En totale connivence avec le public, le maigre est le deuxième larron, la « sirena », l’homme à tout faire, le bruiteur, la pom pom girl, l’accessoiriste… et l’autre moitié de cet hilarant duo de clowns. Inventifs, inénarrables, burlesques en diable et parfaitement synchronisés, ils empruntent à tous les genres à la fois et en racontent beaucoup (sur le théâtre, sur le monde d’aujourd’hui, sur nos préjugés, sur… chacun s’y reconnaîtra) sans pratiquement prononcer un traître mot d’intelligible.
L’un et l’autre, mais surtout l’autre, déploient une énergie de marathonien, car, évidemment, tout cela va très vite, tout est question de rythme. Et quand il n’y en a plus, y’en a encore. Après avoir créé le spectacle, les deux complices Olivier Martin-Salvan et Pierre Guillois ont transmis à quatre autres acteurs (Didier Boulle, Jonathan Pinto-Rocha, Philippe Le Gall et Gregoire Lagrange), tout aussi virtuoses, qui se sont emparés des rôles à leur façon et les interprètent en alternance. Le texte a beau être un indémêlable grommelot, ce n’est pas complètement improvisé pour autant, c’est même très précis.
Maïa Bouteillet
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Les gros patinent bien
A partir de 10 ans
Tarif: de 11 à 35€ selon catégorie
Théâtre Saint-Georges, Paris 9e
© Fabienne Rappenneau