Neige
En novembre au théâtre Les Gémeaux, ce sera l’occasion de rattraper Neige, si vous l’avez manqué à la création.
Déployer un impressionnant décor sur tout l’espace scénique pour faire entendre les doutes, les aspirations et la révolte d’une adolescente, tel est le geste fort que la metteuse en scène Pauline Bureau impose d’emblée avec Neige. Un somptueux décor de forêt (Emmanuelle Roy), à la fois féérique, métaphorique et quotidienne, toute proche de la ville, où glissent sans bruit des animaux merveilleux et où se retrouvent aussi les jeunes du coin.
Sans tout en révéler, disons que cet espace ingénieux offre une certaine réversibilité entre la maison, où Neige étouffe sous les injonctions de sa mère, et une vieille citerne qui a tout du grand bain initiatique. Disons encore qu’offrir un tel décor sur une grande scène pour un spectacle jeune public est suffisamment rare pour être salué.
C’est dans cette forêt donc que Neige prendra la fuite pour rompre avec une vie imposée par des adultes sous pression qui n’ont que peu de temps à lui consacrer. Elle y découvrira que celui qui occupe ses rêves n’en n’est pas vraiment digne et rencontrera une autre figure de père, (le chasseur du conte ?), un homme retiré dans les bois qui l’initiera aux ressources de la nature. C’est là aussi que mère et fille retrouveront une relation complice. Et bien d’autres choses encore. Chacun chacune dans la salle, selon son âge, y retrouvera un peu de son histoire. Miroir, miroir…
Car si Neige raconte bel et bien le parcours d’une jeune fille de 14 ans (Camille Garcia), « une héroïne qui prend son destin en main, fugue, choisit d’affronter le monde et en sort grandie », offrant une sorte de réjouissant contrepoint féministe à Blanche-Neige, la pièce déploie aussi toute une galerie de personnages comme autant de questions. Au premier rang desquels la mère (Marie Nicolle), cette femme sanglée dans ses obligations professionnelles qui a du mal à voir sa fille grandir, et le père (Yann Burlot), ce quasi absent, qui eux aussi retrouveront chacun et ensemble le chemin de leurs émotions. Mais aussi l’homme seul, figure longtemps silencieuse mais bien présente. En arrière-plan de ces trois-là, Pauline Bureau questionne aussi le rapport contemporain au travail qui prend tellement de place dans nos vies.
On retrouve dans cette nouvelle création de l’autrice metteuse en scène, la dimension visuelle et onirique initié avec Dormir cent ans (première création jeune public primée par un Molière en 2015) mais beaucoup plus largement déployée ici, avec les apparitions d’animaux sauvages, qui sont comme autant de cadeaux furtifs, mais aussi à travers des séquences filmées sous l’eau qui semblent nous montrer les personnages du côté de l’inconscient. La question du désir et des émois adolescents mais aussi le souvenir des sensations amniotiques font surface par ce prisme. On retrouve aussi l’humour coutumier de ses créations qui passe largement par le jeu d’acteurs fidèles et par le travail de costumes. Quant au bel épilogue imaginé par Pauline Bureau, on vous laisse la surprise.
Maïa Bouteillet
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Neige
Tout public, à partir de 10 ans
Samedi 9 novembre à 18h et dimanche 10 novembre à 17h
De 18€ à 28€
© Christophe Raynaud de Lage
Théâtre Les Gémeaux
49 Avenue Georges Clemenceau
92330 Sceaux