Toutes leurs robes noires
La pièce de Claudine Galea donne à entendre l’espace où l’imaginaire se déploie.
« L’enfant est dans son lit/ sa mère est allongée à côté sur le lit/ Nuit noire… » Ainsi commence Toutes leurs robes noires, par une situation toute simple, de celles que l’on retrouve chaque soir dans bien des maisons. « Raconte-moi l’histoire, dit l’enfant ». Mais voilà que l’enfant ne veut pas de ces contes de princes et de princesses ou de pauvre bucheron pourvus de sept enfants qu’on lui sert habituellement.
Ce qu’il veut, cet enfant — dont l’autrice, Claudine Galea, précise qu’il peut s’agir d’une fille ou d’un garçon — c’est l’histoire de la nuit noire. Il veut lui prendre la main et faire le tour du monde en sa compagnie. Une histoire qui ne se découvre qu’à ceux qui savent ouvrir leurs yeux et leurs oreilles au souffle et au galop des grands chevaux de l’imaginaire.
Ce souffle à la fois délicat, puissant et libérateur qui, dans la mise en scène d’Antoine Hespel, est tantôt porté par le violon tantôt par la contrebasse de Baptiste Mayoraz, qui partage la scène avec Najda Bourgeois. Et la musique de la Nuit, avec un grand N puisqu’il s’agit ici d’un personnage à part entière, lui ouvre grand ce monde.
Dans l’univers de Claudine Galea, les enfants aspirent à s’affranchir du lien maternel ressenti comme étouffant. Ils veulent partir, vivre les aventures que redoutent les parents, affronter leurs peurs et découvrir les zones incertaines. Ainsi, Sa Petite Poucette, sème des cailloux pour quitter et non pour revenir.
La nuit ici ne fait pas peur, elle n’est pas si noire, dit l’enfant ; elle ouvre au contraire l’espace et les promesses. Tout comme la mère, invitée par l’enfant à voir autrement, le public doit lui aussi doit s’affranchir des rails de la narration pour entrer dans l’espace de la poésie et de l’imaginaire et se laisser surprendre par ce conte fantastique. Où la Nuit, tellement désirée par l’enfant, finit par faire entendre sa voix.
Toutes leurs robes noires est un poème plutôt qu’un texte dialogué. Antoine Hespel, qui en est à ses débuts de metteur en scène, l’a bien compris. Il a choisi de créer la pièce avec deux acteurs seulement, là où la distribution mentionne au moins quatre personnages (cinq avec le narrateur/narratrice) et s’attache plus à faire entendre le mouvement du texte qu’à suivre une logique d’incarnation. Aussi, les personnages nous apparaissent avec une certaine instabilité, l’enfant est tantôt joué par l’une tantôt par l’autre, ce qui présente l’avantage d’offrir plusieurs angles de vue. Les deux interprètes passent d’un rôle à l’autre, se tiennent entre deux personnages, donnent à voir plusieurs facettes à la fois.
Le sens passe avant tout par le rythme, par la musicalité et par la forme des mots. Et si l’on sait voir avec les yeux des petits, on pourra reconnaître dans l’amas bricolé de draps d’où s’échappe parfois des ombres, la cabane cocon de l’enfance où naissent les rêves.
Maïa Bouteillet
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Toutes leurs robes noires
A partir de 6 ans
2, 6, 9 décembre
Tarif : 16 €, 8 €
© Alban Van Wassenhove
Théâtre Dunois
7, rue Louise-Weiss
7513 Paris