L’imminence du chantier du nouveau groupe scolaire des Malassis fait craindre pour la survie de la bergerie de la ferme-école de la Pêche d’or.

Veille de rentrée sur les hauteurs de Bagnolet, il règne une chaleur estivale dans le quartier des Malassis : le gardien de l’école de la Pêche d’or arrose la cour de récré et donne à boire aux chèvres d’à côté tandis que des gamins et parents du quartier passent les grilles de la bergerie pour se mettre au vert et échanger quelques nouvelles. Berger, familles, habitants… tout le monde se connaît. Il flotte néanmoins une certaine inquiétude que la banderole accrochée côté école résume bien : « parents + enseignants = projet bergerie ». A l’heure où l’on parle de faire sauter le bitume des cours et de l’urgence de relier les enfants à la nature dès le plus jeune âge, il n’est pas certain que la bergerie animée par l’association Sors de terre soit encore là pour longtemps.

Développé par Gilles Amar depuis dix ans , mais toujours dans un cadre provisoire, ce lieu de partage, ouvert à tous, propose avec ses chèvres, ses brebis et ses poules un projet écologique et pédagogique qui bénéficie à des publics très divers – petits écoliers, jeunes porteurs de handicap, mineurs isolés, riverains – et, au premier chef, aux élèves de la maternelle d’à côté. La richesse des échanges quotidiens a incité l’équipe des enseignants à intégrer la bergerie dans le cadre scolaire et à rebaptiser le tout « ferme école de la Pêche d’or ». Plantées de grands arbres, ces parcelles de près de 6 000 m2 constituent en outre le seul espace de nature en pleine terre d’un quartier très bétonné, où beaucoup de familles ne partent pas en vacances.

La mairie, qui subventionne la bergerie, lui demande aujourd’hui de partir, le temps des travaux de la nouvelle école. L’actuel bâtiment étant vétuste et exigu, il est prévu de construire un nouveau groupe scolaire deux fois plus grand avec centre de loisirs, crèche et jardin public. Un imposant bâtiment en béton de plusieurs étages, avec jardin sur le toit, qui implique de raser l’existant dont certains arbres et la bergerie. Une « aberration ! » dénonce l’association Enseignants pour la planète. « Cet endroit, c’est l’école dont on rêve tous, dans n’importe quelle brochure Montessori vous trouvez ça », explique Diane, qui habite et enseigne à Bagnolet et dont les enfants adorent aller à la bergerie. « C’est très compliqué de parler de nature entre quatre murs, on demande aux enfants de protéger un truc absent de leur vie. Il faut voir dans quoi on les fait vivre, j’ai plein d’élèves qui ne savent pas comment une chèvre produit du lait ! » Aberrant aussi, selon de nombreux parents, de prévoir un jardin en hauteur pour des maternelles.

Plantées de grands arbres, ces parcelles sont le seul espace de nature dans un quartier populaire trés bétonné. 

Diane

Les membres de l’association Sors de terre ont planché sur un autre projet architectural, de plain-pied, en bois et qui n’implique pas de tout raser, « plus écologique » selon eux. Trop tard, répond la mairie, « la période de concertation est passée, il fallait s’en saisir. Le projet est en cours depuis 2009, on ne prend personne par surprise, il y a eu un dialogue ininterrompu avec Gilles Amar, nous avons accédé à plusieurs de ses demandes, notamment que l’école jouxte la bergerie. Des engagements financiers ont été pris, les travaux doivent démarrer en janvier 2022 pour que tout soit fini à la rentrée 2023 ».

Mi-août, la mairie a envoyé un huissier à Gilles Amar, assurant néanmoins qu’il retrouvera sa place au terme du chantier. Ce dont doutent certains parents d’élèves qui ne souhaitent  pas être cités. Et d’ici là, où aller avec les chèvres ? Les différentes solutions proposées par la municipalité ne semblent pas convenir. Fin août, une pétition publiée dans Le Monde, signée par Catherine Bonzi, la directrice de l’école, Anne-Sophie Colonna, représentante des parents d’élèves, mais aussi par le botaniste Francis Hallé, le philosophe Dominique Bourg et la journaliste Moïna Fauchier-Delavigne, a échauffé les esprits. Désormais, du côté de l’école, plus personne ne veut parler et les travaux préparatoires ont commencé.

Maïa Bouteillet