A la Maison de Marion, ouverte à Paris depuis 2021, parents et enfants trouvent un lieu pour s’exprimer sur le harcèlement subi, et réapprendre la confiance.

Au dernier étage d’un immeuble du XIIIe arrondissement, la porte s’ouvre sur un appartement clair, avec une vaste salle où trône une longue table : c’est là que se déroulent, au sein de la Maison de Marion, les groupes de paroles qui permettent aux victimes de harcèlement et à leurs proches de commencer le processus de reconstruction.

La Maison de Marion, structure unique en France qui se déploie sur deux locaux, à Orsay et Paris, est gérée par l’association Marion la Main tendue, créée en 2013 par Nora Fraisse à la suite du décès de sa fille, Marion, qui s’est suicidée à l’âge de 13 ans. Depuis, Nora Fraisse et son association ont accompli un travail considérable pour faire reconnaître la souffrance du harcèlement scolaire.

« On a souvent eu coutume de penser ‘petit enfant, petits problèmes’, explique Mathilde Zrida, l’une des cadres de la structure. Bien sûr, ce n’est pas vrai… Ici, nous travaillons en partenariat avec le 30 20, qui offre une écoute et représente une première étape indispensable dans la prise en charge. Et nous accueillons des familles. Nous suivons non seulement les enfants victimes, mais aussi leurs parents, leurs frères et sœurs, qui sont souvent, aussi, en grande souffrance. Nous pouvons accueillir aussi des enfants harceleurs, mais c’est moins fréquent, car il est assez rare que des parents appellent pour dire : ‘Mon fils est harceleur, que dois-je faire ? »

On a souvent eu coutume de penser ‘petit enfant, petits problèmes.

Mathilde Zrida

Une approche systémique, qui permet d’aider les victimes, mais aussi leurs proches.

Mathilde Zrida, en plus d’être formatrice à l’Education nationale, est art thérapeute. Elle utilise cette pratique lors des ateliers qui font partie du suivi des familles, en plus des groupes de parole qui ont lieu une fois par mois (groupe (Réseau)lution pour les victimes, groupe (Parent)hèse pour les proches des victimes).

« Il est essentiel, souligne-t-elle, que les victimes puissent s’exprimer en liberté, que ce soit par la parole ou par l’art, comme l’écriture ou le dessin. Cette dernière approche est particulièrement efficace, parce qu’elle prend aussi en compte la dimension du corps. Avec le harcèlement, il y a une somatisation qui rend les victimes malades, littéralement. Les exercices de création permettent d’apaiser, de retrouver la capacité d’agir. A chaque séance, on voit les progrès, le sentiment de mieux-être, les visages qui s’ouvrent… De même, durant les groupes de parole, les enfants peuvent se rendre compte qu’ils ne sont pas seuls. Ces groupes permettent de prendre du recul, de comprendre le schéma, qui est toujours le même, celui d’un triangle harceleur-victime-public. Et surtout, ces groupes les aident à réaliser que ce n’est pas leur faute. Car, souvent, les victimes finissent par penser qu’elles sont un peu coupables de ce qui leur arrive. Elles cherchent une raison : « Pourquoi moi ? ». On pense souvent que la personne harcelée, cela va être celle qui est rousse, ou en surpoids, ou différente… Mais en réalité, il n’y a pas de raison. Il y a juste, à un moment donné, un manque de confiance en soi qui va être repéré par un prédateur. »

Et surtout, ces groupes les aident à réaliser que ce n’est pas leur faute.

Mathilde Zrida

Un enfant harcelé sur trois ne parle pas.

Vaincre le silence, c’est l’un des premiers défis de l’association. Une victime de harcèlement sur trois ne parle pas. Par peur des représailles, par sentiment de culpabilité, et aussi par crainte de ne pas recevoir d’aide adéquate de la part des adultes.

« Toute la difficulté, c’est de savoir agir, et non réagir, conclut Mathilde Zrida. Parfois, des familles veulent régler le problème par elles-mêmes, parce qu’elles se sentent seules et démunies, et cela peut empirer les choses. C’est une des missions de la Maison de Marion, justement, d’assurer des formations en milieu scolaire, dans les gendarmeries, au sein des fédérations sportives, pour sensibiliser, apprendre à faire la différence entre un conflit et du harcèlement, apprendre à recueillir la parole des enfants. On organise aussi des rencontres, des débats, des cafés-parents… On a également participé à la création du dispositif Phare, qui rend obligatoire la présence d’un référent Harcèlement au sein des établissements scolaires. Enfin, nous avons conçu une application, Kolibri, qui peut aider parents et enfants. Mais il est important aussi de travailler en amont, dans les écoles, pour prévenir, sur les compétences psychosociales. L’empathie, notamment, cela s’apprend. »

Orianne Charpentier

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La Maison de Marion

146, rue Nationale, Paris XIIIe. M° Nationale