Projet de Tadashi Kawamata.
Tout public
au vertUn bain de forêt en ville, à Trembay-en-France.
Tremblay-en-France possède un trésor en plein centre-ville : un bout de forêt préservé depuis des décennies. Peu fréquenté auparavant, il fait l’objet de travaux d’aménagement, avec en plus une intervention artistique, celle de Tadashi Kawamata, choisi par un collectif d’habitants, qui a décidé de le peupler de nids-cabanes, pour inviter les gens à redécouvrir les bienfaits des arbres.
Vu par satellite, c’est un éclat vert dans le maillage gris des rues de la ville. Au pied de la mairie, commence ce qu’on appelle le Parc urbain : 22 hectares de bois préservés au cœur de Tremblay (ville bien nommée puisque son nom vient du tremble, une espèce de peuplier forestier). Ce petit bois, qui a résisté aux assauts de générations de promoteurs grâce à la volonté d’élus et de citoyens bien inspirés, semblait plutôt délaissé par ses riverains. D’où l’idée de le rendre plus attrayant, en réaménageant des espaces de jeux et d’accueil pour tous les âges, et, surtout, en invitant un artiste à y créer une œuvre.
Je voulais créer quelque chose qui invite à se balader dans le parc, à contempler, à respirer.
Un comité constitué de Tremblaysiens s’est porté volontaire pour désigner le lauréat : ils ont donc suivi, durant six mois, tout un parcours de réunions, de visites, de réflexions sur l’art contemporain et le paysage… avant d’élaborer un cahier des charges, en vue de trouver l’artiste qui saurait comprendre « l’esprit du bois ». Il y a eu un appel à projets, auquel une quinzaine d’artistes ont répondu, en proposant autant d’idées. Après un second tour, cinq d’entre eux ont été retenus. Et à la fin, il n’en restait qu’un, Tadashi Kawamata, dont on a pu voir les œuvres délicates (des structures de bois clair, moitié nids, moitié cabanes) au Centre Pompidou et au parc de la Villette.
Et justement, l’œuvre qu’il propose à Tremblay, ce sont des cabanes de bois clair perchées en haut des arbres. Des cachettes inaccessibles, secrètes, et poétiques, conçues pour respecter leurs hôtes feuillus et ne pas entraver leur croissance. Elles sont déjà une vingtaine quand nous le rencontrons, au milieu d’un mois de novembre pluvieux, sur le chantier au cœur du bois, où il anime un atelier parents-enfants de construction d’une gigantesque table de pique-nique. Coiffé d’un bonnet de laine noir, vêtu d’un pantalon beige criblé de boue et de grosses chaussures, il dirige les opérations avec une efficacité placide. « Je suis venu voir le parc, dit-il pour expliquer la genèse du projet. J’ai été très intéressé par le fait qu’ici, la nature a été préservée au cœur de la ville. J’ai pensé qu’il ne fallait pas y bâtir de grande sculpture monumentale, mais plutôt quelque chose qui invite le spectateur à se balader dans le parc, à chercher, à respirer… et à pratiquer ainsi, en quelque sorte, la tradition japonaise du “bain de forêt”, ou shinrin yoku, qui consiste à se ressourcer au contact des arbres. Mes œuvres ressemblent à des cabanes, mais ce sont plus des objets contemplatifs, qui invitent à revenir toute l’année, selon les saisons. »
L’idée, aussi, est d’en faire un sanctuaire pour les oiseaux, à l’abri de l’aéroport de Roissy. Parce que les oiseaux sont, dit-il, comme lui, « en transit ». Des enfants ont d’ailleurs participé à construire des nichoirs pour différentes espèces (choisies grâce à des habitants passionnés d’ornithologie), comme la chouette hulotte ou la sittelle torchepot. Et, plus tard, les gardiens du parc, en plus de leur mission de sécurité, seront aussi des médiateurs pour sensibiliser à la préservation de la biodiversité.
Quand on demande à Tadashi Kawamata pourquoi il est si attaché à cette forme de cabane (toutes ses réalisations y ramènent), la réponse fuse : « Cela m’évoque un refuge, un nid. Au Japon, si des oiseaux font un nid dans une maison, c’est qu’ils la considèrent comme un endroit sûr, où le bonheur est possible. Plus il y aura d’oiseaux, plus il y aura de nids et de chances de bonheur ! »
Le nouveau parc ouvrira dès le mois de février, avant son inauguration officielle et festive le quatrième dimanche de mars… en espérant que les oiseaux seront au rendez-vous.
Orianne Charpentier
Projet de Tadashi Kawamata.
Dans le Parc urbain de Tremblay, place Marsciano, Tremblay-en-France (93).
RER B, gare de Vert-Galant (Villepinte, 93).