Au pays des monstres

Du 23 juin au 13 septembre 2020

À partir de 6 ans

Léopold Chauveau et ses monstres attachants sortent de l’oubli grâce au musée d’Orsay. Une exposition prolongée jusqu’au 13 septembre.

Fils d’un chercheur en médecine reconnu à son époque, Léopold Chauveau est devenu docteur malgré lui, à la fin du XIXe siècle, sous l’influence paternelle. Il passera la moitié de sa vie à exercer ce métier qui lui répugne, tout en poursuivant secrètement son propre sillon. Car ce qu’il aime, lui, c’est les monstres. Des créatures à l’allure bonhomme, tracées d’un trait d’encre ou patiemment modelées dans de la cire, puis coulées dans le bronze, qu’il crée pour s’évader du quotidien. Des monstres aux rondeurs de grenouilles ou au profil de corbeaux, qu’il envoie par carte postale à chacun de ses enfants, tout le temps que dure la Première guerre mondiale, en leur attribuant l’humeur du jour : certains sont mélancoliques, mais d’autres « dansent » de joie à l’idée de la prochaine permission. Et à chaque fois, il signe : « Ton vieux Papa » (il a environ quarante-cinq ans).

Durant toutes ces années, c’est pour ses enfants qu’il crée des histoires : celle du petit serpent qui met ses doigts dans le nez, si bien que sa mère lui court après pour lui donner une claque, et cela dure si longtemps qu’ils en perdent leurs pattes… Celle de l’astronome aveugle qui tombe amoureux de la femme sans tête… celle de l’arbre qui mangeait les petits enfants… Dans ses contes doux-amers, les épreuves ne manquent pas ­— peut-être parce que, dans sa propre vie, il n’est pas épargné, perdant notamment deux de ses fils d’une noyade et d’une appendicite mal soignée.

Il finit par délaisser totalement la médecine pour laisser libre court à sa création, où l’on décèle des influences discrètes — les gargouilles de Notre-Dame, les êtres hybrides et délirants de Jérôme Bosch, les artistes symbolistes, les Daruma et autres esprits japonais, ou peut-être même les céramiques anthropomorphes d’Amérique du sud. Mais sa particularité, c’est de dessiner des monstres « bien gentils, bien doux, bien inoffensifs — bien ridicules à côté des monstres vrais et vivants qui bouleversent maintenant le monde », comme il l’écrivait en septembre 1939.

L’ensemble constitue un univers en soi, une sorte de pays où toujours il revient, comme en témoignent les 48 sculptures et les 526 dessins légués au musée d’Orsay par son petit-fils, qui le sauve ainsi de l’oubli. Ces œuvres sont déployées dans une scénographie particulièrement adaptée aux jeunes visiteurs ­: l’accrochage est pensé à hauteur d’enfants, avec une petite alcôve où l’on peut écouter les récits imaginés par Chauveau, des reproductions de sculptures à toucher, une tablette numérique où l’on peut dessiner son propre monstre, un espace-lecture…

Orianne Charpentier

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Au pays des monstres.

Musée d’Orsay, 1, rue de la Légion d’Honneur, Paris VIIe. M° Solférino.

Tlj sf lun, du mar au dim de 9h30 à 18h, nocturne le jeu jusqu’à 21h45.

Tarif : 14€, réduit : 11€, gratuit pour les moins de 18 ans.