Recréer les cours de récré

Tout public

Les bons gestes

Les cours des écoles parisiennes se réinventent pour s’adapter au changement climatique : moins de bitume mais des arbres et de la végétation pour atténuer l’effet des vagues de chaleur et assurer un meilleur partage de l’espace… Une vraie révolution !

Tout commence par un travail de coconception mené avec les enfants

Sur le dessin, une tache bleue s’étale. Une piscine – celle qu’un enfant a tracée sur son plan, quand on lui a demandé de représenter sa cour de récréation idéale. Ce plan de la cour rêvée a été réalisé par un élève de l’école de la rue Charles-Hermite, dans le XVIIIe. C’est la première étape du patient travail de coconception mené par le CAUE 75 (Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement de Paris) pour accompagner les écoles et collèges de la capitale dans la transformation de leur cour en une « cour oasis ». Portées par la mairie de Paris, ces nouvelles cours font partie de la stratégie de résilience de la ville, afin de s’adapter au changement climatique.

 

 

Une cour oasis, qu’est-ce que c’est ?

Pour mériter ce titre, les cours en question doivent être revégétalisées, mieux gérer l’eau de pluie grâce à des sols perméables, posséder des ombrières ainsi qu’une fontaine pour que les enfants puissent boire sans avoir à se rendre  aux toilettes. On y retrouve souvent, une aire de jeux, un jardin pédagogique et des gradins pour faire la classe dehors… et parfois même une petite rivière alimentée par les eaux de pluie ! L’idée, c’est aussi que ces lieux soient disponibles au public pendant les vacances. Mais avant tout, le but recherché est de rendre ces cours plus accueillantes pour tous les élèves, filles ou garçons, sportifs ou contemplatifs. 130 écoles ont été transformées, sur les plus de 700 que compte la ville. La beauté de l’histoire, c’est qu’il n’y a pas une seule cour qui ressemble à une autre : leur plan s’adapte à chaque établissement et conjugue à sa manière tous ces impératifs.

 

cour oasis

 

Justement, revenons à l’école de la rue Charles-Hermite. En cette toute fin du mois d’août, le CAUE de Paris organise une visite ouverte à tous, afin de découvrir la cour, récemment métamorphosée. Marie Mondésert, paysagiste et chargée de mission au CAUE, explique la démarche : « On commence par consulter les enfants, car ce sont les premiers usagers. Cette consultation se fait sous la forme d’ateliers, où l’on pose quelques notions : le réchauffement climatique, les îlots de chaleur urbains, l’importance de l’eau… Au fil des séances, les enfants apprennent à travailler sur un plan, à réfléchir aux différents usages, abordés sous la forme de thématiques : jouer, se regrouper, être au calme… »

 

 

Plus de 500 mètres carrés revégétalisés

A ce moment, un des enfants du quartier passe une tête par le portail laissé ouvert. Il demande la permission de venir voir, appelle ses copains, et tous jubilent de découvrir les changements : il y a toujours les grands platanes, mais, à la place du bitume qui occupait la totalité de la cour auparavant, on peut voir des plantations et de larges espaces recouverts de copeaux de bois, où sont disposés des pergolas, des tables et des bancs, un amphithéâtre de rondins de bois, un grand poulailler (lequel est au cœur d’un projet pédagogique au sein de l’école)… Soit plus de 500 mètres carrés désimperméabilisés.

Soudain, l’un d’eux s’inquiète : « Vous nous avez enlevé notre terrain de foot ? » Il est vite rassuré : le terrain est préservé, les cages seront remises en place – cela faisait partie de la contrainte du projet, les élèves ayant cours de sport dans la cour. Car, après avoir consulté les enfants, le CAUE recueille les souhaits des équipes enseignantes – « une étape importante pour que les adultes s’approprient le projet et le fassent vivre ».

 

 

Souvent, plusieurs allers-retours sont nécessaires pour parvenir à un consensus, celui du dessin final. Et là, c’est encore toute une aventure qui commence : le chantier proprement dit, qui doit être terminé le temps des vacances d’été.

Une enseignante se fait l’écho des craintes de ses collègues : les enfants vont déplacer les copeaux de bois, il y en aura partout… Marie Mondésert sourit. « Oui, peut-être, dans les premiers temps, à cause de la nouveauté. Un réassort de copeaux est d’ailleurs prévu au bout de quelques mois. » Ces fameux copeaux de bois, sur lesquels nous marchons, offrent un matelas sous les pieds, qui absorbe les sons et donne l’agréable sensation d’être en forêt. « Il faut changer de regard face à ces cours plus naturelles, conclut Marie Mondésert. Mais quand on voit le plaisir des enfants qui jouent dans ces cours oasis, on se dit que cela vaut la peine. D’ailleurs, les retours sont plutôt positifs : la cour est plus pacifiée, les usages mieux partagés, moins genrés… Même l’ambiance dans les classes est apaisée. »

 

O.C.

 

© Photos : CAUE de Paris