Histoire(s) de France

Et vous, si vous deviez choisir un moment dans l’histoire de France, ce serait quoi ? La situation fictive, imaginée par l’auteur metteur en scène Amine Adjina, est parfaite : désireuse d’enseigner l’histoire autrement, une prof de collège propose à ses élèves de choisir un moment de l’histoire de France et de le jouer devant les autres. Arthur choisit les Gaulois pour mieux endosser le rôle de Jules César mais ses camarades de groupe remettent aussitôt en question sa vision d’Epinal, un peu trop calquée sur Astérix et Obélix. Sur scène, ils ne sont que trois, mais ça argumente sévèrement.

Ibrahim apporte une djellaba pour tout costume mais pourquoi un Arabe ne pourrait-il pas jouer un Gaulois ? Et si Vercingétorix avait été une femme ? Après tout, qu’est-ce qu’on sait réellement, ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire… Hors d’elle, Camille quitte la répète. C’est pas comme ça qu’Arthur réussira à l’embrasser, cette fille perpétuellement en pétard qui lui évoque celles de mai 68, comme sa grand-mère.

Quand la jeune fille propose à son tour de rejouer la Révolution, voilà que les élèves la font dans leur collège remettant en question la façon dont leur éducation est pensée sans eux. Tout comme le discours d’Ibrahim sur les Gaulois, leur serment du jeu de Paume donne des frissons et leurs propositions pour le collège de demain (réellement recueillies dans des classes par la compagnie Du Double) font rêver… Le troisième grand moment de l’histoire, celui proposé par Ibrahim sur les conseils de son père et qui va réconcilier tout le monde, c’est la finale de la coupe du monde de foot de 1998.

On voit bien comment la pièce d’Amine Adjina réactive l’histoire pour questionner les enjeux du présent. Mais il le fait joyeusement, par petites touches, avec la liberté et l’énergie du théâtre. On a beau être dans une salle de classe, on est avant tout au théâtre.

Il n’y a aucun didactisme derrière tout ça, Amine Adjina ne délivre pas un cours d’histoire, ni un discours sur l’histoire, il l’interroge à hauteur d’ados d’aujourd’hui et rappelle, par le jeu, par le théâtre, grâce aux trois jeunes et formidables acteurs — Mathias Bentahar, Romain Dutheil et Emilie Prévosteau (qui a cofondé la compagnie Du Double avec Amine Adjina et signe ici la collaboration artistique) —, que l’histoire est une matière vivante sans cesse relue à l’aune du présent et non une frise chronologique avec des dates rabâchées qui ne correspondent plus à rien.

On rit beaucoup, on se régale de l’humour du texte, des inventions de costumes et d’accessoires, on se questionne, on s’émeut avec eux. Ni parents ni profs sur scène, c’est à la jeunesse qu’Amine Adjina s’adresse, c’est avec eux qu’il s’empare de ces sujets essentiels, et si délétèrement rebattus aujourd’hui, de la mémoire, de l’identité et de la transmission. Et qu’il envoie valdinguer les clichés. C’est le moment !

Maïa Bouteillet

____________

Histoire(s) de France

A partir de 10 ans

Vendredi 10 novembre à 09h30 et 14h30

Samedi 11 novembre à 16h

Tarif : 25€, adulte accompagnant un mineur : 15€, – de 30 ans : 10€

© Géraldine Aresteanu