Déconfinés, un peu, beaucoup, pas du tout ? Six familles racontent.
Tout public
Qu’est-ce qui a changé pour les familles depuis le déconfinement ? Près de sept parents sur dix n’auraient pas remis leur enfant à l’école alors que la plupart sont toujours en télétravail. Paris Mômes a interrogé six familles. Elles nous racontent ce moment particulier et ce qu’il en est ressorti. Qu’est-ce qui a changé depuis le 11 mai ? Pas grand-chose pour Anne et Aminata, un peu pour Maud dont les deux enfants sont à nouveau scolarisés, tout pour Fabien qui vient de répondre à une annonce de travail en Bretagne… Aucune expérience n’est similaire, mais le confinement, c’est sûr, a fait bouger les lignes.
Dans sa liste de cadeaux d’anniversaire, Clément, 10 ans depuis le 14 mai dernier, avait noté « sortir faire une balade de 5 minutes ». Le jour du déconfinement, ce jeune Montreuillois qui vit dans une maison sur cour, est sorti pour la première fois avec sa petite sœur et sa mère. « C’était un peu bizarre mais ça faisait du bien. A force, le confinement, c’était énervant ». Alors que les pouvoirs publics continuent à nous mettre en garde en insistant sur les gestes barrière, les parents sont parfois désemparés. Malgré le déconfinement, Marc et Marie n’ont pas osé organiser une vraie fête d’anniversaire : « on a simplement proposé à quelques parents de passer avec leurs enfants dans la journée pour faire coucou à Clément mais ils sont tous venus au même moment » explique Marie. « Au début ce n’était pas facile, nous étions plein de retenue. Distance, pas distance ? Tu ne sais pas où mettre le curseur. Les enfants ont très vite commencé à jouer ensemble, fallait-il les séparer ? Finalement tout le monde s’est détendu et cela nous a fait du bien de voir que nous partagions les mêmes doutes », précise Marc. Les enfants sont retournés à l’école deux jours par semaine, tout contents, et les parents sont toujours en télétravail.
Tout le temps sur écran
« Cela ne change pas du jour au lendemain, on ne tourne pas un bouton on/off, mais rien que le fait de pouvoir sortir sans attestation, ça fait du bien », explique Anne en télétravail dans son appartement à Saint-Ouen. « Le premier soir, nous avons fait un grand tour en famille, nous sommes rentrés dans la librairie, où par chance il n’y avait personne. J’ai acheté à mon fils la BD que je lui avais promise au début du confinement ». Son fils de 9 ans n’est pas retourné à l’école mais il a pu aller chez un copain le week-end et inviter un voisin à la maison.Le confinement a aussi bouleversé des convictions éducatives de certains parents. « Le grand changement, poursuit Anne c’est au niveau des écrans : avant, il n’y avait pas droit, sauf deux fois par semaine pour voir des films. Là, avec l’école à la maison, il y est tout le temps. Il faut voir ce que cela va donner ».
J’ai drastiquement diminué ma consommation vestimentaire. Est-ce que tout cela est vraiment utile ? Est-ce qu’on peut s’en passer ?
Les enfants se réapproprient la rue
Chez Aminata et sa famille, dans le IXe arrondissement, rien n’a changé ou presque : sa plus jeune (CM1) aurait bien voulu retourner à l’école mais elle n’est pas prioritaire, aucune nouvelle du collège pour son deuxième, quant à l’aînée, en classe prépa, elle étudie dans sa petite chambre de bonne. Dans son quartier, Aminata observe que les enfants se sont réappropriés l’espace urbain : « Ce qui a changé ce sont les rues : comme le square d’à côté est fermé, les enfants investissent le moindre bout de trottoir, ils dessinent à la craie sur le bitume, ils jouent au foot dehors, ils sillonnent le quartier en trottinette… », raconte-elle. Elle est restée en télétravail tout comme son mari. Elle n’a aucune envie de reprendre les transports en commun et se mettrait bien au vélo, d’autant que la copropriété de son immeuble envisage d’installer un abri à vélos dans la cour.
Un bureau dans la salle de bain
« Je n’attendais qu’une chose c’était de retourner au bureau et en fait je ne l’ai pas bien vécu. On sent que tout le monde est très marqué, c’est compliqué. C’est comme si on avait été un peu sous cloche et d’un seul coup tous les problèmes ressortent », raconte Maud qui, finalement, envisage de rester deux jours en télétravail. Faute d’espace, elle s’est installé un bureau dans la salle de bain, « la plus grande pièce, la plus lumineuse » de sa maison du XXe arrondissement. Leur père étant médecin, cela fait déjà trois semaines que les enfants (5 et 8 ans) ont repris l’école. Dès le 11 mai, ils sont retournés dans leur établissement habituel « c’est beaucoup plus strict, ils n’ont plus le droit de jouer au foot alors que ma fille a découvert et adoré ce jeu pendant le confinement. Chacun est seul à sa table. Mais ils sont super contents ».
Les enfants investissent le moindre bout de trottoir, ils dessinent à la craie sur le bitume, ils jouent au foot dehors, ils sillonnent le quartier en trottinette…
S’installer à la campagne
A peine revenus en Seine-Saint-Denis, Fabien et Emmanuelle ont postulé pour des jobs en province. Logés dans un 50 m2 sans balcon avec deux enfants de 3 et 5 ans et une voisine peu compréhensive, ils n’ont pas attendu la déclaration officielle du Président de la République pour fuir dans les Vosges le temps du confinement. « Les enfants ont passé leur temps dehors, à jouer, à observer les insectes, les plantes, on faisait un carnet nature. On pouvait travailler en jetant un œil deloin sur eux. Depuis que nous sommes rentrés à la maison tout est plus compliqué, il y a plus de stress, de disputes… » Leurs deux enfants ont pu retourner à l’école maternelle deux jours par semaine, et pourtant « c’est pire » dit Fabien. Il explique que le projet de partir qu’ils nourrissaient avant le confinement, a refait surface en plus radical. « Avant, on pensait déménager dans une ville de province. Là, on envisage carrément de s’installer en zone rurale ».
Consommer moins
La fille de Claire, qui dépérissait loin de l’école a été considérée comme prioritaire pour retourner en classe. Mais, une enfant en moins, cela ne diminue pas pour autant les journées « d’autant que pour les enfants qui n’ont pas repris, comme mon fils aîné, les instituteurs sont moins disponibles » raconte Claire. Grande consommatrice d’activités culturelles en famille, elle n’envisage pas de quitter la capitale mais s’est néanmoins posée beaucoup de questions sur son mode de vie pendant le confinement. « J’ai drastiquement diminué ma consommation vestimentaire. Est-ce que tout cela est vraiment utile ? Est-ce qu’on peut s’en passer ? » Claire entend dorénavant se questionner à chaque achat et n’envisage pas de se précipiter dans les boutiques avant longtemps.
Maïa Bouteillet