Echange avec Myriam Revault d’Allonnes

Son tout premier ouvrage, Pourquoi les hommes font-ils la guerre ?, décortique limpidement l’épineuse notion. Interview de son auteure, Myriam Revault d’Allonnes, également directrice de la collection « Chouette ! Penser ».

Pourquoi avez-vous choisi le thème de la guerre pour le tout premier opus de la collection « Chouette ! Penser » ?
Myriam Revault d’Allonnes : Il me semblait tout d’abord que c’était l’un des thèmes fondamentaux susceptibles de préoccuper les enfants. Ils y sont eux-mêmes souvent confrontés, ne serait-ce qu’en regardant le journal télévisé ; ou, d’une autre manière, lorsqu’ils jouent « à la guerre » dans les cours d’école. Et par ailleurs, je suis moi-même spécialiste de philosophie politique.

Le livre s’intitule Pourquoi les hommes font- ils la guerre ?, mais vous démontrez para- doxalement que ce n’est pas une bonne ques- tion. Expliquez-nous…

A la question « Pourquoi? », on espère un «Parce que». Mais la philosophie ne répond pas à la question «Pourquoi?» par une affirmation. Elle ne délivre pas un savoir positif, elle a pour fonction de poser des questions — mais des questions auxquelles il n’est pas possible de donner des réponses. Réfléchir d’une manière philosophique autour de «Pourquoi la guerre?» oblige ainsi à différencier la guerre de la violence ou de la force ; à se demander de quoi on parle exactement, lorsqu’on parle de la guerre.

Justement, comment pourrait-on résumer le propos du livre ?

Il y avait plusieurs choses que je tenais à faire comprendre par ce livre : d’abord, que la guerre est une activité sociale. Il n’y a pas de guerre d’homme à homme, d’individu à individu, il n’y a de guerre qu’entre des sociétés constituées en Etats: la guerre n’est pas n’importe quelle forme de violence. L’autre notion qui me semblait importante, c’est cette idée que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, la guerre ne tend pas à disparaître avec les progrès de la civilisation… Bien au contraire ! Il y a même une corrélation entre civilisation et barbarie.

C’est-à-dire ?

On observe que, plus on fait de progrès dans les domaines scientifique, médical ou technique, plus les armes de destruction progressent aussi. Mais, pour autant, la question de la guerre ne doit pas s’envisa- ger sous la simple affirmation «La guerre, c’est mal» : il y a des guerres légitimes — comme cela a été le cas lors de la guerre contre l’Allemagne nazie. J’insiste cependant sur le fait que dans une guerre, comme le dit la philosophe Simone Weil, il n’y a pas de vainqueurs ou de vaincus – il n’y a que des vaincus. n

Propos recueillis par Orianne Charpentier

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