Entretien avec Delphine Grinberg et Baptiste Bureau

Tout public

entretien

Sans plastique, sans écrans et sans chaussures : voici la nouvelle Cité des bébés ! Un lieu inventif et réjouissant, conçu comme un chantier participatif, sous l’œil avisé des tout-petits et de leurs parents. Impliqués dès avant la phase expérimentale du Lab de la Cité des bébés, Delphine Grinberg, muséographe, et Baptiste Bureau, designer, nous racontent.

Comment définiriez-vous la cité des bébés  ?

Delphine Grinberg  : C’est un territoire de jeu et d’exploration pour les bébés. C’est aussi un territoire d’exploration pour les professionnels que nous sommes : nous l’avons créée à moitié à quatre pattes, à moitié avec des chercheurs et avec des tas de métiers différents. Et c’est une sorte d’oasis, qui montre un futur désirable, bas carbone, sans écrans, fondé sur l’humain et sur la débrouille, et l’image d’un monde dans lequel ces bébés pourraient grandir avec bonheur. C’est enfin un lieu d’échange, un espace sans téléphone où tous les adultes sont à quatre pattes avec les bébés et où il y a énormément de paroles entre les visiteurs, sur leur vécu de parents, de rencontres aussi entre les professionnels et les artistes qui fréquentent ce lieu.

Ça s’est construit un peu comme une cabane

Baptiste Bureau

Pouvez-vous raconter de quelle manière particulière s’est construit ce lieu  ?

Baptiste Bureau  : C’est parti d’une commande de notre président de faire « quelque chose » pour les bébés, précisant qu’il n’y avait pas d’argent, pas de temps et pas de lieu. Un tel cahier des charges nous a imposé de sortir de nos manières habituelles de faire des expositions, chronophage, énergivore et coûteuse. Nous n’avons pas eu le temps ni les moyens de faire des études, des plans… ça s’est construit un peu comme une cabane : nous sommes partis dans la forêt – ou dans la maison – pour récupérer tous les matériaux qu’on pouvait prendre, avec, en plus, la contrainte du zéro plastique et du zéro écran. Nous avons proposé à tous les collègues de participer au chantier et nous avons avancé comme ça, au fur et à mesure, en identifiant simplement des îlots : un coin pour se reposer, un coin pour crapahuter, pour découvrir… Nous avons beaucoup misé sur le sol : pour les bébés qui rampent ou se déplacent à quatre pattes, le sol c’est important – un quart du budget est allé à la construction d’un parquet en pin massif par les ateliers de la Cité des sciences. Plusieurs métiers se sont greffés.

 

Dès le départ, le contenant et le contenu sont allés de pair ?

D.G. : A l’époque, nous étions chacun sur cinq projets à la fois, nous n’avions pas de temps et on n’était pas experts, donc dès le départ il a fallu travailler de manière empirique et en collaboration. C’est avec l’arrivée des premiers bébés que les experts, les psychomotriciens, sont arrivés.

B.B. : Cette façon de concevoir d’aménager en partant de ce qu’on a sur place sans aller acheter quoi que ce soit, avec les moyens du bord, de manière dynamique avec différents regards, différentes expertises, c’est extrêmement gratifiant. Pour les équipes qui l’animent, le fait de participer à la conception et à la réalisation, c’est autre chose que quand on leur livre un espace tout fait.

D.G. : Le fait de faire appel aux collègues pour donner des doudous et des coups de main, ça a aidé aussi à ce que les bébés soient acceptés dans le musée, un capital affectif s’est créé autour du projet.

 

La cité des bébés à la cité des sciences à Paris

 

Ces contraintes de temps et de matériaux ont-elles produit plus de créativité finalement ?

B.B. : Oui ! Un exemple : on voulait une piscine à balles, mais trouver des balles sans plastique, ce n’est pas évident. De là sont nées les balles chaussettes, créées avec des chaussettes orphelines bourrées d’autres chaussettes orphelines et cousues en forme de donuts, ce qui permet aussi de faire des éléments de bracelets, de construction… ça dépasse la fonction de départ. Et le fait que chacun apporte ses chaussettes et les couse, ou les fasse coudre, ça raconte une autre histoire.

D.G. : Il s’agit de retrouver la fonction initiale et de l’aborder avec un regard neuf. Tout au début, nous avons consulté les catalogues de puériculture, mais nous les avons vite refermés parce que bourrés de plastique. Il y avait pourtant des fonctions intéressantes. Alors, comment allait-on pouvoir asseoir, allonger, amuser des tout-petits, faire des balles, des nids… autrement ? Et là on a commencé à s’amuser.

B.B. : Le fait de réutiliser du matériel existant et de naviguer à vue, on n’est jamais déçu, c’est que des bonnes surprises !

D.G. : C’était totalement réjouissant ! C’était le quatrième chantier fait de cette manière : nous avons déjà mené celui du Lab de la Cité des bébés et conçu deux jardins cet été, dans l’idée de créer un jardin permanent pour que les bébés puissent être dehors toute l’année. Il y a eu assez vite un fort intérêt du côté des professionnels des crèches ;  ainsi, nous avons consolidé nos découvertes avec des études, notamment sur la qualité de l’air, pour voir si nos partis pris d’aménagement et de matériaux étaient pertinents. Nous partageons tous ces résultats avec la mairie de Paris. Nous organisons régulièrement des demi-journées professionnelles avec visite, observation et discussions. Nous-mêmes, nous nous déplaçons aussi pour des animations. Il y a un intérêt très vif pour l’accueil des bébés dans les lieux culturels et pour la transformation des espaces traditionnels d’accueil des bébés.

Un lieu comme ça, il pourrait y en avoir dans tous les quartiers !

Delphine Grinberg

Votre méthode fera-t-elle école ?

D.G. : L’idée, derrière tout ça, c’est de faire avec ce qu’on a. Certains objets possèdent un réel potentiel d’exploration pour les bébés. Une de nos stars, c’est la cuiller en bois, star absolue ! Ça donne des idées aux parents. Un papa nous a offert une guitare, une maman nous a donné des tissus avec lesquels on a fait un fauteuil… Un lieu comme ça, il pourrait y en avoir dans tous les quartiers 

Propos recueillis par Maïa Bouteillet

__________

Cité des bébés

Dès la naissance

Gratuit pour les bébés, 4,50 € pour l’adulte, 2 € pour le second accompagnateur

Gratuit pour tous : mer et sam matin, jeu et dim après-midi (dans le cadre d’une étude des publics)

Cité des sciences et de l’industrie, parc de la Villette, Paris 19e. M° Porte-de-la-Villette