« Les enfants ont été très exposés et on n’en a pas beaucoup parlé »

Tout public

entretien

Comment les enfants ont-ils vécu le confinement ? Passées les premières semaines et la fausse impression de vacances, des témoignages inquiets se sont manifestés : des petits qui ont peur de sortir, tel garçon qui ne trouve plus le sommeil tout seul, une fillette paniquée de ne plus jamais revoir sa maîtresse… Interrogée par Paris Mômes, la psychologue et psychanalyste Angèle Terrier qui dirige le CLAP-Passage des tout-petits, lieu d’accueil enfants-parents, décrypte cette période compliquée pour les enfants comme pour les parents. Elle insiste sur l’importance du lien.

‣ Est-ce que le confinement a engendré des troubles chez les enfants?

En tout cas une grande anxiété. Les enfants ont été touchés en premier lieu car ce sont d’abord les écoles qui ont fermé. Il y a eu une grosse inquiétude autour d’eux, on les a dits porteurs sains, cela les a privés de leurs grands-parents et puis il a fallu s’organiser dans le huis clos familial. Le confinement a pu amplifier certaines difficultés familiales sans possibilité d’aller souffler chez les grands-parents ou de voir les copains. Et jusqu’à maintenant, tout est encore compliqué, puisqu’ils sont presque les derniers à reprendre. On voit bien à Paris à quel point ce n’est pas évident de remettre les enfants à l’école.

‣ Le fait d’être déconfinés suffit-il à régler les problèmes ?

Pour certains, c’est le déconfinement qui a été plus difficile. Pour certaines familles, se retrouver confinés comme dans une bulle, tous logés à la même enseigne, a pu constituer comme une pause. Les plus fragiles ont du mal à reprendre. D’ailleurs, nous ne sommes pas encore complètement déconfinés. Le fait que l’école ne reprenne pas normalement rend le quotidien très compliqué. La situation est encore très anxiogène, il y a toute sorte de précautions à respecter, notamment les distances, ce qui va à l’encontre de la spontanéité des enfants qui aiment les contacts physiques.

Le retour à l’école fait-il partie de la solution? 

Quotidiennement, j’entends des enfants dire que ce qui leur manque, c’est l’école, alors qu’au début ils ont pu se réjouir justement de ne plus avoir à travailler. Retrouver ses repères, notamment le cadre scolaire, sa maîtresse, ses copains, cela aide à passer à autre chose. Pour la plupart, cela va suffire. Mais il est certain que ce virus marque un avant et un après. C’est inédit, une telle proximité de la mort pour tous, nous n’avons pas l’expérience de ça. Les enfants ont été très exposés et on n’en a pas beaucoup parlé. Il y a des enfants qui font des cauchemars, d’autres présentent des signes de souffrance, il faudrait leur offrir la possibilité de consulter. Il y a eu l’arrêt de l’école, la pression parentale et certains ont pu voir leurs parents en difficulté. Nous voulons tous que nos enfants réussissent à l’école et en même temps nous n’avons pas toujours été très disponibles pour les suivre sur ce plan là.

‣ Comment les aider?

Il est important de préserver une qualité de lien. L’été, quand il y a moins de charge professionnelle, est aussi un moment propice pour cela. Et puis il y a, à nouveau, la possibilité pour eux de retrouver une vie entre enfants, avec leurs camarades. Pour ceux qui ne pourront pas partir en vacances, pour des raisons économiques ou à cause de la fermeture des frontières, cela va être difficile. Avec l’équipe du CLAP-Passage des tout-petits, nous ouvrons en septembre un nouveau lieu d’écoute pour les 5-10 ans. On verra après-coup, à la rentrée, les marques que cela aura laissé. C’est là qu’il va falloir être très attentif. En même temps, les enfants passent très vite à autre chose, ils sont inventifs et plein de ressources, il faut leur faire confiance. Être attentif, c’est crucial, mais cela ne doit pas peser encore plus sur l’enfant. Il y a aussi l’angoisse des parents qu’il faut savoir accueillir sans la confondre avec celle de l’enfant. On ouvre des portes à l’enfant quand on ne confond pas tout et quand on arrive à dégager des niveaux d’écoute différents.

Propos recueillis par Maïa Bouteillet

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Le Clap-Passage des tout-petits.

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