Les vertus de l’argent de poche

Quatre questions à… Ghislain Lauverjat, responsable délégué du pôle de développement des publics de Citéco, qui nous éclaire sur cette incontournable étape des premiers achats autonomes.

L’argent de poche, quel est le mode d’emploi ?

Ghislain Lauverjat : On va commencer par la définition : l’argent de poche, c’est une somme d’argent, souvent faible, que certains parents donnent régulièrement aux enfants, en espèces (même si aujourd’hui on commence à voir arriver des cartes de crédit pour les mineurs), pour qu’ils puissent pourvoir à des besoins non essentiels. Cette somme, l’enfant en a la responsabilité. Il va dépenser cet argent pour ce qui lui semble bien : on est typiquement dans un besoin identifié par l’enfant pour l’enfant.

Pourquoi en donner ?

G.L. : Je vais vous répondre de manière économique. L’argent de poche, cela va permettre à l’enfant d’utiliser de la monnaie. La monnaie, c’est une unité de compte. Grâce à elle, l’enfant va pouvoir commencer à prendre conscience de la valeur des choses. Pour les plus petits, entre 6 et 10 ans, ce n’est pas vraiment le cas, mais à partir de
11 ans, cela lui permet de rentrer dans une logique de gestion budgétaire. Par exemple, si l’enfant reçoit
10 euros par mois, il va avoir le choix de les dépenser en petites choses immédiates, ou de les garder pour acheter une chose plus chère. Cela lui permet aussi de différencier ce qui est de l’ordre du désir ou du besoin. Bref, c’est une première étape extrêmement utile, un pas vers une certaine autonomie : beaucoup d’étudiants, quand ils quittent le nid familial, se retrouvent à gérer un budget sans y avoir été forcément préparés.

En dehors de l’aspect budgétaire, est-ce qu’il peut y avoir d’autres vertus à l’argent de poche ? 

G.L. : Je ne suis pas psychologue, mais je dirais que, si vertu il y a, c’est de placer l’enfant devant une situation où il doit faire des choix, parce qu’avec la somme qu’il reçoit, il réalise qu’il ne peut pas tout avoir tout de suite. Dans une société de l’immédiateté, savoir attendre est aussi un atout. Il me semble toutefois important de rappeler aussi que l’argent de poche doit être détaché de tout travail ou de tout service que l’enfant peut faire à la maiso n : cela n’est pas une rétribution ou une récompense. C’est une petite somme automatique, donnée pour le superflu. Cela ne doit pas venir en échange d’un service rendu, comme mettre la table – mettre la table doit rester un acte gratuit. Si l’on donne de l’argent à partir d’actions faites par l’enfant, on entre dans un rapport marchand.  Alors que, dans la vie, une partie des échanges sont non marchands. Rendre service, ce n’est pas vendre un service.

En quoi est-ce un sujet Citéco ?

G.L. : C’est un très bon sujet pour Citéco. Dans le cadre de nos médiations, nous partons toujours d’une représentation personnelle de l’économie : toute personne est un acteur économique. Même un enfant fait partie d’un ménage, qui est un acteur économique. Lorsque nous présentons Citéco à des familles, nous partons de leur représentation, de leur gestion du budget. L’argent de poche, cela permet aux enfants de comprendre quels sont les rôles et fonctions de la monnaie : on part de cette expérience qui est la leur pour le leur expliquer : à chaque fois, on peut partir de l’échelle de l’enfant pour aborder des notions économiques plus complexes.

Propos recueillis par Orianne Charpentier

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