Rencontre avec Chantal Mainguené, fondatrice de Mom’artre.

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entretien

Depuis quinze ans, l’association Môm’artre propose une solution de garde singulière, qui répond à la fois aux besoins des parents et à ceux des enfants, avec une vraie exigence sociale et artistique. Une démarche pionnière, pensée pour créer du lien à l’échelle d’un quartier. Rencontre avec sa fondatrice, Chantal Mainguené.

Sur les murs de la petite alcôve où trône une machine à café capricieuse, on voit des photos d’enfants souriants parmi des éclats de couleurs, une affiche peinte d’un trait trembloté avec un slogan, « L’art pour tous », et un carton plein de bouteilles plastique surmonté d’une affichette : « Môm’artre fait de la récup’ pour des ateliers. » Pas de doute, nous sommes au siège de l’inventive association. Chantal Mainguené crée le premier Môm’artre en 2001, dans le XVIIIe arrondissement. Ce projet, elle l’a mûri pendant longtemps, après avoir essayé plusieurs modes de garde et constaté, en tant que maman qui travaille et qui élève seule deux enfants, le décalage entre la « vraie vie » des parents et l’offre habituelle. Elle imagine donc une structure où l’enfant serait accueilli, où il recevrait un goûter et une aide aux devoirs, et où il pourrait aussi s’épanouir — avec des horaires flexibles et un tarif adapté selon les revenus. Dès le début, elle a trois idées fortes : créer de la mixité sociale, mettre en synergie les ressources d’un quartier, et permettre à des enfants de réaliser des projets avec de vrais artistes.

 

Chantal Mainguené, fondatrice de Mom’artre ©️ Darnel Lindor

« Il y a des gens qui pensent que l’art, ce n’est pas accessible. J’avais lu quelque part que seulement 10 % des enfants avaient accès à une activité artistique; or j’étais convaincue que, pour eux, c’était essentiel. Et c’est vrai, on le constate chaque année à Môm’artre : pour certains enfants, c’est un déclic, cela les transforme et les construit. Mais l’idée, bien sûr, ce n’était pas simplement d’engager des animateurs et de mettre sur pied des ateliers d’arts plastiques ; c’était de faire venir à nous des artistes, avec leur talent, leur parcours, et cette manière de décrypter le monde qui n’appartient qu’à eux. Ils ont vraiment un univers à transmettre et à partager. »

Au départ, les artistes étaient bénévoles et travaillaient en échange d’un lieu de résidence ; désormais, ils sont rémunérés sous contrat. Mais ce qui n’a pas changé, c’est la proximité : « Pourquoi chercher des ressources humaines ailleurs, alors qu’on les a tout près ? C’est important pour nous que les artistes soient du quartier, connaissent les associations locales et les lieux culturels du coin, puissent mener des projets dans la rue. »

Désormais, il existe cinq structures ouvertes dans Paris (plus une sixième qui va ouvrir en octobre dans le XIIIe arrondissement) et deux autres en province, sans compter le théâtre des Bouffes du Nord qui accueille des enfants deux fois par semaine. « On ne s’implante que là où l’on sait qu’on va créer de la mixité sociale. On veut être à la croisée des chemins, à la fois pour le modèle économique (afin que les plus aisés puissent payer pour ceux qui le sont moins) et pour la dynamique des ateliers. On croit à la valeur de la mixité : les enfants n’ont pas de problème à se mélanger, et dans ce mélange, ils s’apportent les uns aux autres. » Quand on lui dit que son projet, il y a quinze ans, était visionnaire, Chantal Mainguené répond : « J’ai surtout pensé pratique! J’ai voulu répondre aux besoins des parents… Et à ceux de chaque enfant : qu’on s’intéresse à lui, qu’on le prenne dans son individualité et qu’on puisse l’intégrer à un groupe (deux dimensions également importantes), qu’on lui propose des choses adaptées, qu’on ne soit pas dans le jugement, qu’on croie en son potentiel et qu’on l’aide à le développer. Le mot clé de tout cela, je crois, c’était se mettre à la place de l’autre. »

O.C