Rencontre avec Rémy Masseglia

Comment est née cette aventure ?

C’est mon premier film en tant que réalisateur. Je suis devenu papa à 40 ans, ça a bouleversé ma vie. Je n’avais pas dans l’idée d’être père à tout prix, mais dès le moment où j’ai rencontré Naïs je me suis dit que nous allions faire de grandes et belles choses… J’avais simplement ce projet de documentaire sur le loup et il se trouve que j’ai commencé à faire des repérages avec elle. J’ai vite compris que la vraie aventure c’était de découvrir la montagne avec cette petite fille. Elle avait 1 an au début du tournage, qui a duré de mai 2018 à septembre 2020, elle était encore allaitée par sa maman.

C’est d’abord un film sur la rencontre entre un papa et son enfant. Naïs parle très bien, elle apporte une vraie présence avec ses réactions…

Oui, au-delà des données naturalistes et de l’intérêt pour les espèces animales, le film raconte cette rencontre. Et j’ai eu la chance d’avoir une petite fille très bavarde, très intéressée et qui n’a jamais rechigné à venir dans la montagne même quand les conditions étaient extrêmes… cela dit, elle était habillée comme une alpiniste et j’étais tout le temps concentré sur ses envies, sa sécurité et son confort. Quand ce n’était pas le moment de tourner, on faisait de la luge, des bonhommes de neige, on se baladait… Tout s’est fait à un rythme très lent, parfois je partais avec tout le matériel et, finalement, je ne tournais pas. Le plus important, c’était ce que nous vivions ensemble, pas le film.

Finalement, vous voyez des loups !

En plus d’être accompagné de Naïs, j’avais aussi la contrainte de filmer une espèce inobservable. Deux vidéastes animaliers m’ont accompagné sur le côté scientifique. Nous avons fait des sorties sans Naïs quand c’était vraiment loin et froid, pour vérifier que les loups étaient de passage et observer leurs déplacements. J’ai grandi dans la Roya, les loups y sont arrivés quand j’avais 7 ans. La première fois que j’en ai vu, c’est sur ce tournage, alors que je suis sans arrêt en montagne. Rares sont ceux qui les observent en direct. La vallée de la Roya est l’une des plus riches en biodiversité, il y a plus de loups que là où Jean-Michel Bertrand a réalisé La Vallée des loups – le film qui m’a inspiré. De là à réussir à observer des loups avec une petite fille, ce n’était pas gagné, c’est pourquoi, au début, je n’ai pas cherché de société de production.

Vous évoquez votre père et l’idée de transmission…

Je suis né ici, mon père aussi. C’est lui qui m’a initié à la montagne, mais d’une façon sportive. J’étais passionné de faune sauvage, lui voulait absolument aller au sommet des montagnes. Je me suis assez vite détaché de cette approche pour aller vers l’observation. C’est ce que j’essaye de transmettre à Naïs… Ce qui m’a plu, c’est d’être tous les deux dans la montagne et d’observer. Dans la réalité, nous sommes restés soixante heures dans notre tente d’affût avant de pouvoir observer pour la première fois les loups, en plein hiver, les fesses dans la neige – on se marrait.

Comment l’aventure continue-t-elle?

Naïs a maintenant 4 ans, l’année dernière nous avons assuré le suivi d’une espèce pour une fondation : le putois d’Europe, découvert sur le film alors qu’on le pensait disparu. Nous démarrons un film 100 % animalier où nous serons tous les deux derrière la caméra. Je ne veux plus la filmer, pour ne pas l’exposer.

Y avait-il une volonté de lui transmettre des valeurs ? 

J’avais envie de l’initier, de lui donner des clés pour être curieuse et observatrice. Je lui laisse ce film pour témoigner de moments de partage dont elle ne se souviendra pas et qu’elle pourra revoir avec ses enfants. Cette dimension-là est importante… Elle a une conscience du monde qui l’entoure très pointue, elle connaît la nature mieux que la plupart des adultes, elle sait repérer des passages d’animaux par les crottes ou les traces, reconnaître les espèces. Ça nous ramène à un passé de chasseurs-cueilleurs, et nous adorons faire ça ensemble. 

A quelle distance des loups êtes-vous ?

Au plus proche, nous avons été à 30 mètres. Nous avons gardé nos distances, pour qu’ils ne s’accoutument pas à nous et ne baissent pas la garde en présence de l’homme, ce qui les mettrait en danger !

Propos recueillis par Maïa Bouteillet

> Notre critique du film